À l’occasion d’un épisode autobiographique douloureux, Fouad Bellamine lacère dans un accès de colère une grande peinture. « Fouad Bellamine a entaillé la toile comme l’on s’automutile en agressant sa propre peau. Car il ne fait qu’un avec elle », écrit Latifa Serghini dans la préface du catalogue d’exposition. Déchiquetée à l’aide d’un cutter, cette peinture a été enroulée et conservée dans un coin caché de l’appartement où vivait le peintre, rue du Caire à Rabat.
L’artiste n’a jamais pu tourner la page de cette toile, mais il a plusieurs fois différé le moment de l’affronter de nouveau du regard. 25 ans plus tard, Bellamine donne une nouvelle vie à l’œuvre lacérée en isolant et en découpant les parties intactes. Il intitule cette œuvre rendue à la vie : Fragments d’une déchirure. Mais cela n’apaise pas pour autant l’artiste qui décide de peindre un ensemble d’œuvres comme pour conjurer définitivement les démons de l’œuvre exécutée. Il se confie en ces termes à Latifa Serghini concernant cette entreprise : « C’est une renaissance, une résurrection dont-il est question. C’est un cadavre, un cercueil auquel je redonne vie, à une période de maturité de mon travail où j’interpelle les moments de mon parcours pictural qu’ils soient minimalistes ou expressionnistes. Ce sont en réalité des fragments de peinture. »